Aujourd’hui, j’avais envie de vous livrer un extrait de ma newsletter « La Feuille de Salade » de fin octobre 2023
(pour vous inscrire si vous le souhaitez : https://cutt.ly/8wrr2PQd).
Elle avait tellement résonné et j’avais reçu tellement de retours de beaucoup d’entre vous que j’ai eu l’élan de la partager à plus grande échelle !
Je précise que je ne considère pas l’écoanxiété comme une maladie mais comme la réaction normale d’un esprit sain face à un monde injuste et destructeur.
Mon écoanxiété reviendra par vagues, je n’en guérirai que le jour où chaque être humain vivra dans la dignité en harmonie avec notre belle planète.
Mais lorsqu’elle me laisse un peu de répit, comme en ce moment, j’essaie de partager avec vous cette denrée trop rare et précieuse : la sérénité.
Bonne lecture !
L’actualité est consternante et j’arrive à un point non connu pour le moment de mon état psychique : ni déni, ni résignation, ni hystérie.
J’ai bien connu l’écoanxiété et j’en parlais encore avec une amie au téléphone ce matin.
Je sais ce que c’est d’être noyé dans les infos négatives et de ressentir le désespoir.
Littéralement ne plus avoir aucun espoir.
Depuis que je suis arrivée en Bretagne il y a un an, et plus encore depuis l’été dernier dans notre nouvelle maison, il m’arrive un truc plutôt intéressant : je redécouvre un intérêt à m’occuper de mon cul.
J’ai toujours été d’une nature sacrificielle, assistante sociale, famille d’accueil, de toutes les indignations pour toutes les injustices du monde, à m’en rendre malade et même jusqu’à ne plus m’incarner dans ma propre vie, qui me semblait parfois vaine si elle ne servait pas à résoudre les problèmes du monde.
Et puis il y a eu les châtaignes.
Et avant ça le bois qui est arrivé, les salades à planter, le petit bois à casser et les pommes à transformer en compote.
Et puis le boulot à faire, tant de posts par semaine à créer, les partenariats à honorer et des tonnes de démarches administratives perso à faire.
Je me couche le soir et m’endors en 5 minutes du sommeil du juste, moi l’insomniaque légendaire.
Alors est-ce que c’est la magie de Brocéliande ou le fait de s’occuper les mains ?
Les deux, je pense.
On ne guérit pas son écoanxiété en utilisant les mêmes outils / canaux qu’elle utilise, elle, pour nous pourrir la vie.
On n’apaise pas son angoisse écologique et sociale en lisant des articles sur le sujet.
L’anxiété demande une énergie de malade à notre corps.
Quand on dirige cette énergie sur autre chose, on n’a littéralement plus le time d’en dépenser autant dans son anxiété. Y en a plus assez.
Je trouve que c’est un écueil des thérapies actuelles et de ce qu’on lit sur le self care.
Il faudrait se reposer, prendre du temps pour soi.
Il faut parler, parler, parler, faire une analyse sur 15 ans.
Le comportement que je décris peut être taxé de fuite.
C’est faux.
Les thérapeutes du bien-être new age sont comme Big Pharma : ils ont besoin de gens qui vont mal.
Et nous vivons dans un monde où le narcissisme est tellement présent qu’on nous fait croire que ne pas être rivé sur son smartphone H24 à lire des mauvaises nouvelles est une faute morale.
« Privilégiés ! Vous détournez les yeux ! »
Comme si le monde ne pouvait pas tourner sans nous.
Comme si regarder la merde H24 nous donnait le pouvoir de changer les choses.
Comme si on avait le pouvoir de changer les choses et qu’on choisissait de ne pas le faire par égoïsme.
Il y a encore 2 ans, je ne lisais aucun roman, que des essais politiques, écologiques, féministes.
Je ne regardais aucune série, je n’avais aucun loisirs, je ne prenais même pas le temps de marcher ni de faire du sport, car ça empiétait sur mon temps de travail (travail consacré à apporter ma pierre à l’édifice du monde, pas une minute à perdre).
Je ne pense pas que j’avais plus d’impact qu’aujourd’hui.
Par contre, j’ai dégonflé du melon en me disant que je n’étais pas indispensable au monde à ce point que j’avais pas le temps d’aller pisser.
Comme le disait notre vieux pote Marc Aurèle :
« Il faut de la sérénité pour accepter les choses qu’on ne peut pas changer, du courage pour changer les choses qu’on peut changer, et de la sagesse pour distinguer l’un de l’autre. »
Cuisiner pendant des heures les châtaignes et les pommes m’a laissé le temps de méditer sur le fait que tout est puissant dans cette phrase.
À l’heure du « développement personnel », de « l’humain augmenté », on ne peut plus tolérer qu’il y a certaines choses qu’on ne peut pas changer. Ça nous rend malade de frustration.
Les coachs bling bling ne nous répètent-ils pas à longueur de journée que nous pouvons tout faire, tout être, et que si ça ne marche pas comme on le veut, c’est de notre faute ?
Et dans le même temps, on n’a même pas le courage de changer des choses élémentaires de notre quotidien (avion, viande, shopping), en se trouvant toutes les excuses possibles (DONT le self care : je suis tellement malheureuse et stressée que je mérite bien ces vacances à l’étranger).
La perversion du truc.
On se rend malade de notre impuissance face aux malheurs du monde, et dans le même temps on n’apporte même pas une micro contribution.
Sagesse = zéro.
Ce n’est pas totalement de notre faute.
L’hystérisation collective bouffe notre énergie et met un brouillard sur notre capacité de penser.
Notre cerveau est dopé à l’excitation des mauvaises nouvelles et au capharnaüm ambiant.
S’en extirper demande un véritable effort, que j’ai engagé il y a plus de 2 ans en modifiant mon rapport au numérique et aux réseaux sociaux en particulier.
J’en récolte les fruits aujourd’hui, à l’heure où nombre de mes amies sont terrassées par les horreurs de la guerre, de la catastrophe écologique, le recul de la démocratie et la montée du fascisme.
Aujourd’hui j’ai envie de vous dire une chose :
Pleurnicher sur son écoanxiété ne fait pas de quelqu’un une meilleure personne.
Ce qui fait de quelqu’un une bonne personne, ce sont ses actions.
Et les actions peuvent être les mêmes en étant en bonne santé mentale ou en étant au bord du suicide. Donc autant aller bien.
Je suis un seul être humain et j’ai 24h dans une journée.
Je n’ai aucun pouvoir sur la guerre israélo-palestinienne si ce n’est mon vote, j’ai voté, j’ai signé des pétitions et j’ai apporté de la visibilité à ce qu’il se passe à mon petit niveau.
Je suis abonnée à la newsletter des Soulèvements de la Terre et je guette les actions auxquelles je pourrai participer.
Je relaie les actions qui sont loin de chez moi.
Mon quotidien est beaucoup plus écologique que celui de la plupart des gens.
Et dans le cadre de mon travail, j’apprends aux femmes à gagner en indépendance, d’esprit, mais aussi matériellement par la gestion de leur budget et l’exemple d’une vie sobre.
Clarté, autonomie, dignité.
C’est déjà pas mal, je pourrais certainement faire plus et je ne me cherche pas d’excuses pour ne pas le faire.
Je fais de mon mieux, vraiment, et j’essaie d’améliorer mon « mieux ».
Léa Garson Photographie